Avis - We try harder
Publié le 1 octobre 2006 par Jean-Luc Gronner
Lecture 3 min.

Avis - We try harder

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C'est l'histoire d'une signature de marque légendaire qui a fait de la marque de location de voitures un éternel challenger. Et qui a inspiré des générations de rédacteurs publicitaires.

Présentons d'abord les deux protagonistes coupables d'avoir commis ce chef d'œuvre, en 1963, autant dire au paléolithique.

L’annonceur : Avis, loueur d’automobiles. 34 millions de dollars de revenus, 3,2 millions de dollars de perte, cette année-là.

L’agence de publicité : DDB nouvelle coqueluche de Madison avenue et, en particulier, son directeur de création, Bill Bernbach, le B de DDB¹.

Un sacré bonhomme dont le look est plutôt celui d'un banquier que d'un créatif. Il est considéré à juste titre comme le pape de la publicité moderne, en partie d’ailleurs à cause de la campagne qui des années durant va nourrir et accompagner la marque Avis.

En ce début des années 60, il est impératif pour toute entreprise d’affirmer sa supériorité, son leadership, en tout cas son statut.

Voilà que pour la première fois sans doute, une marque s’appuie au contraire sur une apparente faiblesse : le fait de ne pas être n°1 pour attirer sur elle la sympathie de tous ceux qui louent une voiture².

Dans la campagne devenue historique qui à coup de pages de textes - mais quels textes - agrémentés d'une simple illustration, installe et revendique ce statut d’éternel challenger, on peut lire « Avis n’est que N°2 dans la location de voitures, alors pourquoi nous choisir ? Parce qu’on en fait plus. (Quand vous n’êtes pas le plus gros, vous êtes bien obligé.) Nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre des cendriers sales. Ni des réservoirs à moitié pleins. Ni des essuie-glaces pourris.../... La prochaine fois, choisissez-nous. À notre comptoir, la queue est moins longue. »

Aujourd’hui cette connivence avec le lecteur nous paraît sinon banale du moins naturelle de la part d’une marque.

À l’époque, c’est une révolution. On l’appellera d’ailleurs la révolution créative.

Désormais, on utilisera l’humour, on remettra en cause les codes de la réclame, l’impertinence sera conseillée. Mieux, les publicitaires eux-mêmes apprendront aux consommateurs à prendre de la distance par rapport au discours publicitaire.

L’une des annonces d’Avis dans laquelle le rédacteur s’exprime à la première personne se termine par ces mots « D’ailleurs les dirigeants d’Avis ne publieront probablement pas cette annonce ».

Parce qu’elle se moque également de l’establishment, du conformisme, de tous les pouvoirs, cette remise en question des codes de communication et de l’autorité préfigurera ce que les américains appelleront la contre-culture, et les français l’esprit de mai 68.

La culture « bobo » n’en est aujourd’hui qu’un énième avatar. Car cette révolution sauvera sans doute le capitalisme d’une révolution tout court et des attaques radicales que celui-ci connaîtra lors de cette décennie.

Les rédacteurs rebelles de Madison avenue qui écrivent les annonces pour Avis ou Volkswagen vont donner en effet envie aux gens d’utiliser leur pouvoir de consommateur comme moyen de s’exprimer contre l’ordre établi.

Ils vont récupérer les valeurs de non-conformisme, de créativité, de libération personnelle au profit de marques opportunistes ou authentiquement en phase avec ces aspirations et ouvriront la voie au succès d’Apple ou de la FNAC.

Mais à l’époque, les gens d’Avis qui découvrent la campagne font la gueule. Il faut la clairvoyance du Président d’alors, Robert C. Townsend, pour acheter et diffuser ces annonces.

Les résultats furent à la hauteur de cette audace.

En une année Avis annonça un profit inégalé en 13 ans de 1 million de dollars. Sa part de marché grimpa de 11% en 1962 à 35% en 1966.

40 ans plus tard. Avis se porte bien, merci. Si la marque est toujours n°2 aux USA, elle est en revanche leader en Europe et en Asie. Mais surtout Avis est aujourd’hui l’une des marques à laquelle les clients américains sont les plus fidèles tous secteurs confondus.

Analyse fine du process de location d’une voiture pour identifier toutes les étapes susceptibles de mécontenter un client. Réduction drastique du temps d’attente d’un véhicule. Campagne sur le port de la ceinture de sécurité... Avis n’en finit pas d’appliquer scrupuleusement une philosophie inscrite toute entière dans sa signature. Pour le patron du marketing d’Avis, We try harder n’est d’ailleurs pas un slogan. « C’est notre ADN et je ne vois aucune raison d’en changer ».

Emblématique, We try harder l’est aujourd’hui parce qu’elle reste la signature de challenger par excellence. Tous les N°2 du monde auraient pu avoir cette idée. Mais c’est Avis qui fut la première marque à occuper – les publicitaires disent préempter - ce positionnement dans l’esprit des gens. Et à en récolter encore les fruits quarante ans après.

Mais dans l’histoire de cette signature, le plus instructif est ailleurs. Le loueur d’automobile, le patron d’Avis, peut en effet s’en octroyer la paternité tout autant que son interlocuteur d’alors, le publicitaire et patron de DDB.

Car c’est Robert Townsend lui-même qui en cette année 1963 lui confie lors d’un brief « à la place que nous occupons nous sommes bien obligés de nous donner plus de mal que nos concurrents... We try harder because we have to... ».

Ce slogan qui n’en est pas encore un, lancé au hasard d’une réunion, n’enlève rien au mérite du publicitaire qui saura s’en souvenir de retour à l’agence.

L’écoute attentive, perspicace, du discours de l’entreprise, notamment lorsqu’il est porté par celui qui l’incarne le mieux, est un préalable souvent indispensable à la création d’une bonne signature de marque.

Les grands publicitaires sont des gens qui savent écouter.

  • Pour avoir eu le privilège de travailler dans le groupe DDB pendant 11 années, je peux témoigner que l'esprit du maître, résumé dans un petit livre de maximes avec une couverture grise, irriguait encore toute l'agence, 40 ans après cette campagne.
  • L'autre grand publicitaire de l'époque, David Ogilvy, rendit d'ailleurs hommage à cette campagne en soulignant son « positionnement diabolique qui retournait contre l'ennemi ses propres armes ».
Annonce Avis 1
Annonces Avis 2

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