Citi - Live richly
Il a fallu du courage à cette agence de publicité, lors d’une compétition, pour convaincre les banquiers de Citigroup d’adopter une signature en rupture totale avec l’éthique protestante de l’effort.
Qui n’est pas d’accord ? Qui refuserait la liberté apportée par l’argent ?
L’idée est diaboliquement simple : ne pas promettre la richesse, mais la jouissance de la richesse.
Il ne s’agit plus d’accumuler de l’argent, mais plutôt d’en jouir.
C’est l’Amérique capitaliste, dure au travail, qui la première ose nous inciter à savourer la vie. Donc à prendre notre temps. Profiter oui, mais de nos enfants, de nos amis. Voyager, prendre « du bon temps ».
https://youtu.be/ZtS6kTuZIgk?si=ycF0cAE1tgEa877j
Une idéologie à contre courant, au pays qui a inventé le mot « workaholic ». Combien d’Américains prennent deux semaines de vacances l’été ? A peine 14 % ! Et un tiers d’entre eux travaillent pendant ces vacances.
Comme souvent, la réussite d'une campagne et de son slogan tient à beaucoup de réflexion et une part de hasard.
Au début de ce siècle aux USA, comme dans le reste du monde, la banque de détail s’est totalement banalisée : mêmes cartes, mêmes crédits, mêmes tarifs. Pire, de nouveaux entrants tels les grandes enseignes automobiles, Microsoft et General Electric lancent de nouvelles cartes et offres de crédit. On est parvenu au stade ultime de la « commoditisation ».
Conscients de ce désintérêt pour les banques, les dirigeants de Citigroup acceptent une remise en cause radicale : « faites-nous une communication non-bancaire », demandent-ils.
Les planneurs stratégiques de l’agence¹ organisent alors de nombreux groupes de consommateurs. Il n’en sort rien d’intéressant : les participants s’ennuient, évoquent avec lassitude leurs habituels souhaits de meilleurs taux, de distributeurs de billets mieux placés, etc...
Un peu déprimé, un des planneurs part chez le coiffeur et lui fait part de son impasse. Celui-ci, entre deux coups de ciseaux, lui répond aussitôt « les gens n’en ont rien à faire de leur banque. Par contre, ils parlent beaucoup d’argent, et de son importance dans la vie². De retour à l’agence, le planneur organise de nouveaux groupes qualitatifs.
La nouvelle règle est simple : éviter les sujets sur les produits bancaires, interroger les gens sur leur vécu par rapport à l’argent. Une formidable passion saisit alors les participants. Ils racontent les aspects positifs de l’argent, comment il peut les aider à bien vivre. Les clients du guichet sont devenus des êtres humains. La création n’utilise que des mots simples, pour remettre l’argent « à sa place ».
There's more to life than money. Live richly
Des tranches de vie privilégient le vrai bonheur en particulier les valeurs familiales.
Exemple : Un père, l’après midi, au lieu de travailler est dans son jardin tenant son bébé dans les bras « If you want to indulge your child, spend spend spend…time » ; « The things you remember most…aren't things.»
Il y a quelque chose de mystérieux dans cette signature que l'on pourrait traduire par profitez pleinement pour garder le double sens d'origine.
Elle est incroyablement provocante dans l’idée et pourtant elle est entraîne la sympathie. Dans le pays où les ménages sont parmi le plus endettés au monde, où l’on compte 37 millions de pauvres, Live richly n’a pourtant suscité aucun rejet. Au contraire, l’expression s’est installée devenant une phrase clé reprise à travers toutes les couches de la société.
Cette signature est paradoxale : une banque, la plus riche et la plus puissante du monde, affirme que l’argent n’est pas tout. Ce message a pris avec le temps de plus en plus de sens et de résonance.
Quelques mois après le lancement de la campagne, la tragédie du 11 septembre montrait combien la vie est précieuse. Après l’éclatement de la bulle Internet, le tsunami, la guerre d’Irak, les valeurs se recentrent désormais sur la vie. Les occidentaux, d’après les enquêtes, sont chaque année plus nombreux à privilégier l’amitié, la solidarité.³
Le mariage et la vie familiale ne se sont jamais aussi bien portés. En dénonçant la course folle à l’argent, une banque, Citigroup, a créé la première signature post moderne de la publicité.
- Fallon Worldwide
- 37 % des américains avouent penser plus souvent à l’argent qu’au sexe ( enquête 2003 sur 1800 personnes gagnant plus de 75000$ par an au moins)
- la campagne lancée en janvier 2001 sera reprise en 2003 dans le même esprit avec des accroches du genre : pour un Retour sur Investissement garanti, essayez un bouquet de fleurs.
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