Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF) - Un homme qui bat sa femme apprend la violence à ses enfants
L’enfance témoin de la violence conjugale. Un film et un claim qui veulent briser l’idée que « mauvais mari » peut se conjuguer avec « bon père ».
Des mots contre des coups. On a longtemps reproché aux campagnes publicitaires françaises « grandes causes » (difficile d’employer ce terme lorsqu’il s’agit des « femmes battues ») de ne pas être assez osées, assez crues.
La dernière communication de la Fédération Nationale Solidarité Femmes (dont l’une des coordinatrices, Emmanuelle Piet, est connue pour ses engagements et sa détermination à faire bouger les choses) ne peut être taxée de « molle ».
Lancée fin novembre, juste avant la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, elle interpelle.
Le film¹, d’une violence sourde, est poignant. On sait ce qui va se passer mais tout se fait lentement.
Famille plutôt aisée, la mère qui range dans la cuisine (ouverte), le père qui lit dans le salon. Tout semble parfait. Sauf que l’on sent à la seule silhouette maternelle qu’elle est crispée. Et voilà. Des couverts mal rangés. Et le père, comme un chasseur prêt à intervenir qui se lève et intervient.
« C’est pourtant pas difficile ». « Comme ça ».
La main qui aide la maladroite. Et voilà, une blessure. Du sang. La tension monte.
La mère qui s’effondre. Le père qui s’excite « jt’ai pas touché. Qu’est-ce que t ‘as. Arrête, arrête… ».
En réalité, c’est sans doute vrai, il ne l’a pas touché. Pas de cliché d’homme à bout qui frappe sa femme. C’est plus pervers, plus subtil.
Entre le harcèlement moral et la violence physique. Et la fin est horrible : la mère couchée sur le sol, en pleurs. Pendant ce temps, la vision d’un enfant en pyjama en haut de l’escalier.
Et la fin, irréaliste. L’enfant descend et donne un coup de pied dans le ventre de sa mère. L’apothéose. Si l'on peut dire.
Le claim assène : Un homme qui bat sa femme apprend la violence à ses enfants .
La justesse est dans la construction en deux temps, du film mais aussi du claim : les faits et les circonstances aggravantes.
Comme lors d’un procès. Un homme qui bat sa femme… . Première partie et scène principale (avec intro, action) du spot. On entend dire en commentaires dans la salle : « c’est un salaud ».
C’est là qu’intervient la seconde partie. Ciselée, fine, crescendo. … apprend la violence à ses enfants. Et là, on regarde hébété l’enfant qui « achève » le travail du Père.
Cette version de l’enfant qui bat sa mère n’est pas visible à la télévision mais seulement hors pub, lors d’émissions et sur internet. Et l’autre (qui suggère le coup sans le montrer) n’est diffusé qu’après 22 h 30.
La première version, jugée trop violente, a été refusée par le BVP.
C’est vrai que la campagne peut choquer. Surtout ceux qui ont manqué les épisodes précédents. Elle est très segmentante : certains la trouvent trop extrême, d’autres la plébiscitent.
L'accent mis sur l’impact des violences conjugales chez les enfants est en effet inédit en communication. On connaissait l’enfant battu mais pas l’enfant victime, témoin et complice à la fois. Depuis sa dernière campagne en 2005, la Fédération ne s’adresse non plus aux femmes (pour qu’elles parlent) mais aussi aux hommes (pour qu’ils prennent conscience de leurs gestes).
Le précédent claim insistait sur la responsabilité masculine : « Un homme coupable de violence conjugale est un délinquant passible de prison… ». Cette fois, les enfants sont inclus.
Finies les circonstances atténuantes « c’est un bon père »…. Non, un mari qui bat sa femme n’est pas un bon père : non seulement, il rend ses enfants témoins de ses actes mais en plus, il leur « apprend » la violence, la normalise. L’enfant est non seulement témoin mais victime d'un exemple pervers.
Le claim et son illustration sont venus de l'écoute et du dialogue entre les protagonistes.
La volonté était à l’image des enjeux : La FNSF revendique notamment un remaniement de la législation concernant la garde des enfants : qu’il soit impossible de dissocier le couple conjugal et le couple parental et ainsi de confier la garde alternée d’enfants à un père coupable de violences contre sa femme. Il fallait interpeller sur un sujet nouveau et aussi fort (l’enfance témoin et victime de la violence conjugale).
La violence des mots contre la violence des actes.
On a du mal à imaginer le gamin qui donne le coup de grâce à sa mère au sol mais cela arrive.
Et surtout ce geste porte le claim en symbolisant la violence apprise par l'enfant.
Petit rappel : il y a en France 4 millions d’enfants (275 dans le monde) exposés à la violence conjugale. Lesquels, sans être tous bien sûr des pères violents en puissance, manifestent pour la plupart des sentiments de peur, de tristesse, de honte, de culpabilité… Et en France, une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son compagnon…
- Agence : Y&R
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