La forêt boréale - Aux arbres citoyens
Pour sauver leur forêt, nos cousins québécois détournent notre hymne national. On ne leur en veut pas.
Connaissez vous l’origine du mot slogan ? C’est un mot écossais qui veut dire « cri de guerre ».
Aux arbres citoyens est le cri de ralliement choisi par les Québécois pour défendre leur forêt.
La réaction spontanée est le sourire. Bien trouvé, chers cousins : en détournant notre Marseillaise, vous capitalisez deux siècles et demi de notoriété spontanée, au service d’une grande cause.
Avec une efficacité remarquable : impact, adhésion, agrément : tout fonctionne parfaitement dans cette campagne éco-citoyenne.
Une analyse attentive de son mécanisme et de son contexte est instructive sur les facteurs de cette réussite.
Pour mobiliser, l’attaque vaut mieux que la défense.
L’enjeu de cette campagne est clairement écologique. La forêt québécoise boréale est un paradis menacé.
Certes elle couvre 550 000 kilomètres carrés, l’équivalent de la surface de la France. Mais ce patrimoine naturel commençait à être envahi par des activités humaines polluantes : exploitation minière, forestière, chasse et pêches non régulées, voies de transport, tourisme, immobilier, commerces…
La forêt ne dormait plus tranquille. Ours, saumons, caribous et carcajous commençaient à se plaindre du voisinage des hommes.
Quatre organisations firent donc cause commune pour les protéger : le WWF, le réseau québécois des groupes écologistes, la Société pour la nature et les parcs du Canada, l’Union québécoise pour la conservation de la nature.
Cinq séances de brainstorming pilotées par un consultant en communication leur firent prendre conscience d’une idée simple : il n’y a rien de motivant à vouloir mettre la forêt sous une bulle de verre.
Pour réveiller, alerter, entraîner rien ne vaut un discours offensif, quasi martial. D’où le saut créatif : défendre le patrimoine, c’est mobiliser pour la patrie.
Aux arbres citoyens est né d’un sentiment d’urgence partagée. Or à notre époque saturée de sollicitations, tout ce qui n’est pas urgent n’est pas digne d’attention.
Au Canada, comme partout, les écologistes ont tendance à s’éclater en de multiples courants contradictoires, voire incompatibles. La force de cette campagne, c’est de dépasser les clivages, en se concentrant sur l’essentiel : l’action d’urgence.
La vraie question en langage québécois devient « oui ou non, as-tu le goût d’aller au front ? »
Cette campagne est en fait une campagne préélectorale. A la veille des élections régionales, elle a pour objectif majeur d’obtenir des électeurs qu’ils fassent pression sur les candidats pour classer en zone protégée 12 % au minimum de la forêt boréale.
Aux arbres citoyens veut dire en fait « aux urnes citoyens ». Hors de ce contexte, le détournement créatif eut été sans doute moins efficace. À ce titre elle fait penser à un autre détournement créatif remarquablement inséré dans son contexte : L’euro fait la force¹ lancé à un moment décisif pour le lancement de la monnaie unique.
Ainsi, bien plus qu’un jeu de mots, Aux arbres citoyens est un vrai jeu de sens, fédérateur et en phase avec les enjeux d’une société en mutation.
- Agence DDB&CO
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