L'Artisanat - Première entreprise de France
Publié le 1 avril 2006 par Jean-Luc Gronner
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L'Artisanat - Première entreprise de France

L'Artisanat Logotype

En 1999 naissait une marque, un logo et, sous le logo, quelques mots qui ont rempli leur mission : amener les Français à regarder différemment toute une profession.

Janvier 1999. C'est la fin de notre présentation et la salle semble décidément trop petite.

Nous avons déjà présenté la stratégie, préconisé que l’annonceur - le FNPCA (Fonds National de Promotion et de Communication de l’Artisanat) - s’efface au profit d’une vraie marque : l'Artisanat.

Nous avons dévoilé le logo imaginé pour l’accompagner : un grand A stylisé associé aux quatre couleurs représentant les grands domaines d’intervention des artisans.

J'ai raconté le film et dévoilé les annonces presse.

Mais nos interlocuteurs restent de marbre.

Le Président Frélicot, coiffeur de son état et haut représentant de l'ensemble des artisans français ne sourcille pas.

Il ne me reste qu’un tout petit bout de création à montrer, un simple autocollant ! Je commence à douter de l'issue tant l'absence de réaction est pesante. Et puis soudain alors que je présente la maquette, éclat de rire général. J’entends quelqu'un murumrer à son voisin : ils vont adorer çà !

Sur l'autocollant ces simples mots : Vous suivez un véhicule de la première entreprise de France.

Cette absence de réaction visible était une approbation silencieuse. Deux mois plus tard, en effet, on verra fleurir au cul de milliers d'estafettes cabossées de plombiers ou de camionnettes rutilantes de fleuristes, notre autocollant célébrant le poids économique des artisans.

Car il s'agissait bien de cela : comment donner de la chair, du poids mais aussi de la fierté aux 800 000 pâtissiers, charcutiers, horlogers et autres cordonniers de France un peu agacés du peu de cas que faisaient les pouvoirs publics de leur sort, énervés qu'on ne leur reconnaisse pas leur rôle bénéfique de créateurs d'emploi ?

Et impatients que le prix à payer de leur proximité avec les gens ne soit pas systématiquement cette image de ploucs en chemise à carreaux et gitanes au bec qui leur collait à la peau.

Les artisans ne manquent pourtant pas d'arguments : ils créent chaque année des dizaines de milliers d’emplois et réalisent un chiffre d’affaires plus important que celui de Total.

Quelques jours après le brief aux créatifs, c'est un rédacteur contrarié mais inspiré qui vient dans mon bureau.
Il me confie qu'il ne comprend rien à l'idée savante qui lui a été proposée dans le brief.

En revanche, en cherchant bien dans tout le dossier, il a découvert une information intéressante. Si l’on fait la somme de tous les établissements que comptent les artisans, si l'on cumule le chiffre d'affaires de toutes ces micro entreprises, si on y ajoute l'ensemble des salariés qu'ils emploient, les artisans représentent finalement… la première entreprise de France.

Quand on prépare si bien le terrain à un Directeur de Création, le rôle de ce dernier se limite à un acquiescement songeur, histoire de ne pas trop montrer son excitation. Je dis à notre rédacteur que l'on tient là l'idée.

Que pour une fois le fait d’affirmer que l’on est n°1 ne sera pas pénible puisque l’assertion est à la fois légitime (le cumul des données économiques est incontestable) et faux (il ne s’agit pas à proprement parler d’une entreprise).

Je propose à nos créatifs¹ de conclure notre film TV par une voix off disant : L'artisanat. Mine de rien nous sommes la première entreprise de France histoire de rajouter encore un peu de complicité à la fausse modestie et à l’ironie évidente de la signature.

Le slogan et la campagne auront un succès considérable auprès des artisans eux-mêmes et des français malgré un plan média limité. Pour le directeur de la communication de l’Artisanat, l’apothéose eut lieu quelques années plus tard lors d’un « Qui veut gagner des millions ? » l’émission de jeu télévisée, lorsque à la question : quelle est la première entreprise de France ? Le candidat répondit sans hésiter : l’Artisanat.

La vérité oblige à révéler - et je prix les Instituts d'études de bien vouloir m'excuser - qu'obligés d'effectuer un post-test, les résultats étaient très mitigés.

Inquiet qu'une fois de plus une belle campagne tombe dans la trappe ouverte par tous les annonceurs frileux, j'interroge le Président. La réponse tombe laconique : « Jean-Luc, on les emmerde ! ».

Un publicitaire a rarement l’occasion de participer avec son équipe à la création simultanée d’un nom, d’un logo et d’une grande signature. C’est la grâce qui fût octroyée ce jour là à notre agence².

Comme cela représentait sans doute trop de bienfaits, nous avons quelques années plus tard perdu le budget qui a valu pendant des années à l’auteur de ces lignes le sourire bienveillant des artisans de sa rue.

  • Rédacteur : Fred Gallier. AD : Alain Montel
  • DDB&Co

ndlr : curieusement la marque l'Artisanat et sa légendaire signature ont disparu des radars depuis 2020. Sans doute un oubli.

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