Les Bleus - On vit ensemble, on meurt ensemble Les Bleus - On vit ensemble, on meurt ensemble
Publié le 15 juin 2006 par Jean-Luc Gronner
Lecture 2 min.

Les Bleus - On vit ensemble, on meurt ensemble

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A chaque Mondial, l’équipe de France de football a le don de s’approprier ou d’inventer à sa manière une signature qui résume à la fois sa personnalité et son destin collectif.

Combien de marques peuvent s’enorgueillir d’avoir été vues, suivies, aimées, adulées par plus de 22 millions de téléspectateurs pendant près de trois heures ? ¹

Les Bleus sont une vraie marque, déposée comme il se doit à l’Institut de la Propriété Industrielle par la FFF (Fédération Française de Football) qui est ainsi propriétaire – au sens du droit des marques – de l'image collective de l'équipe de France.

Comme les bijoux, les produits laitiers ou l’Artisanat, les Bleus sont une marque collective. Leur réalité n’en est que plus forte. Au-delà d’une simple communauté humaine comme une entreprise, une profession ou une ville – les Bleus incarne les valeurs de toute une nation en particulier lors de ces grands événements sportifs mondiaux et médiatisés qui sont devenus ces moments projectifs de l’imaginaire des peuples.

Toutes les marques ont leur moment. Fusion, changement de nom ou de patron pour une entreprise. Evénement historique, rencontre internationale pour une ville. Les Bleus ont eu leur moment fondateur :1998. Coupe du monde à domicile conclue par un titre attendu depuis des décennies.

Toute grande marque a ou a eu sa signature. En 1998, la signature d’Adidas exceptionnellement prémonitoire est devenue de facto celle des Bleus. Quand la victoire a été à ce point voulue par un groupe d’hommes doués et motivés, La victoire est en nous leur était destinée.

C’est un cas sans doute assez exceptionnel de détournement de slogan d’une marque au profit d’une autre, avec d’ailleurs la bénédiction de son propriétaire.

Au passage, ce fut aussi la seule signature à notre connaissance qui eut l’insigne honneur d’être projetée sur l’Arc de triomphe. Napoléon en ce lieu ne l’aurait sans doute pas non plus dédaigné.

En 2006, ce n’est plus de kidnapping de signature qu’il s’agit mais d’accouchement en interne. Et dans la souffrance.

Inquiets d’un démarrage poussif, voilà que nos Bleus serrent les coudes et s’inventent eux-mêmes leur signature de marque. Comme une entreprise qui pour accélérer la mayonnaise d’une fusion se cherche elle-même son slogan fédérateur.

Un brainstorming dans le vestiaire ? Une idée d’un Bleu qui se souvient de la phrase prononcée par Will Smith dans Bad Boys II : « We ride together, we die together » ? Un autre qui se rappelle la phrase de Martin Luther King : « Il faut apprendre à vivre ensemble, sinon nous allons mourir ensemble comme des imbéciles ! »

Ribéry qui leur souffle un extrait de l’hymne des supporters de l’OM : Tout le virage sud unissons nos efforts, Combattre pour l'OM à la vie, à la mort ? Saura-t-on jamais l’origine de la devise ?

En tout cas, le lancement fut réussi ; avec sa phase de teaser et son cérémonial de presse.

À deux jours de la demi-finale face au Portugal, Lilian Thuram indique que les Bleus n'avaient pas de chanson², « juste des mots ». « Il y a une phrase qui tire le groupe. (…) Rien qu'avec cette phrase, vous savez exactement l'état d'esprit du groupe. Mais vous le saurez plus tard. »

Les mots en question une fois révélés par Florent Malouda : On vit ensemble, on meurt ensemble, tout le monde y va de son commentaire. Domenech, le sélectionneur, affirme³ : « elle vient de l'histoire des batailles quand les tribus se battaient entre elles. Ou elles pouvaient vivre, ou elles se faisaient bouffer par les autres.

Que les joueurs l'aient adopté, c'est très symbolique de ce qu'on a vécu ». Et Sagnol renchérit : « Qui l'a trouvée ? Je ne sais pas mais elle résume bien le groupe et pas seulement depuis deux semaines.

Jusqu’à la finale inespérée On vit ensemble, on meurt ensemble incarnait parfaitement ce réveil collectif, ce bloc-équipe qui jeta aux orties en l’espace de 15 jours les espoirs des Espagnols, des Brésiliens et des Portugais. Ce qui n’est pas rien.

L’issue fatale du 9 juillet donne un surcroît d’intensité dramatique à une signature qui jouant avec le mot mort, jouait sans doute avec le feu.

Les Bleus sont effectivement morts aux tirs aux buts ; mais ils ne sont pas morts ensemble. A moins qu’ils ne soient morts faute d’être encore ensemble. Par un coup de boule rageur, le plus grand des bleus décide de se donner la mort lui-même s’éjectant du stade avant la fin. Privant les autres bleus d’accomplir le destin écrit dans la devise qu’ils s’étaient choisis.

En n’ayant pas respecté les mots qui résumaient en ce dimanche de juillet les valeurs des Bleus dont il était le joueur le plus emblématique, Zidane a commis un crime de lèse-signature, comme un patron pris en flagrant délit de non-respect du slogan de sa firme.

Destin cruel pour celui qui aura marqué de sa générosité sa carrière sur le terrain et dans la vie.

Si lui ne regrette pas son geste, nous, on regrettera éternellement⁴ que les mots forts inventés par les bleus le temps d’un mondial, n’aient pas, pendant ce court instant de rage, pris le dessus sur les insultes et les provocations dans la tête de notre héros.

Comme en 1998, une signature, même si elle ne fut jamais gravée au bas d’une campagne publicitaire, aura donc au moment d’un Mondial condensé en quelques mots la vérité d’une équipe et l’émotion de millions d’entre nous.

Peu de marques ont comme les Bleus ce pouvoir de faire entrer leurs slogans dans la mémoire collective.

  • Audience TF1 du 10 juillet 2006
  • En 1998, I will survive devint l’hymne des bleus
  • Sport24 : interview Guillaume Loisy
  • Dans son édition du Lundi 12 Juillet 2006, L’Equipe titrait « Regrets éternels »
l'EQUIPE

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