Musée du Quai Branly - Les cultures sont faites pour dialoguer
Les musées sont des marques comme les autres. Se différencier, se positionner sont autant de défis. Voici une signature réussie pour un projet qu'il l'est tout autant.
Imaginez la perplexité du touriste étranger qui a pris le métro le 26 décembre (jour de lancement de la campagne) en voyant deux affiches signées musée du Quai Branly : l'Obélisque de la place de la Concorde remplacé par une statue de l'Ile de Pâques, un gantelet en argent du Pérou en pleine Place Vendôme !
Et ce claim : Les cultures sont faites pour dialoguer'.
Sous-titré « Arts et civilisations d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et des Amériques », le musée du Quai Branly, est le grand projet de l'actuel Président de la République¹.
Décidé en 1996 sous le nom de Musée des Arts Premiers, il représente un chantier colossal : un espace de 39000 m2, avec au milieu d'un jardin, une longue passerelle métallique, 300000 pièces venant des quatre continents précités...
Des œuvres d'arts. Mais pas uniquement des arts premiers : on y trouvera aussi bien un mégalithe en forme de lyre du Sénégal datant de plusieurs millénaires avant notre ère que des œuvres aborigènes contemporaines.
D'où le choix de baptiser le musée du nom éponyme de l'endroit, sans faire référence aux arts premiers (trop réducteur) ni bien sûr aux arts primitifs (péjoratif). Car il ne s'agit pas d'un musée comme les autres : c'est d'abord un lieu d'échanges, « d'expression des cultures vivantes » selon son concepteur, l'architecte Jean Nouvel.
Une volonté novatrice, avec, à côté des collections permanentes et des expositions de la première année, une partie recherche et enseignement, des spectacles vivants, une université populaire (sur le thème de l'Histoire mondiale de la colonisation)...
Un lieu donc qui se veut différent, ouvert aux débats et aux échanges culturels voire politiques de tous les horizons. Un lieu où les« autres » cultures (pour une fois, pas seulement les nôtres, européennes) seront sur le devant de la scène. Un musée qui n'a rien de figé dans le temps, qui évolue et valorise les richesses de ses collections en les faisant interagir.
Cette différence a mûri la stratégie publicitaire. Sous la houlette de l'équipe responsable de communication du musée, l'agence² a imaginé : Les cultures sont faites pour dialoguer.
Culture contre culture ? Non, culture et culture. Dialogue et culture. Télescopage culturel. Diversité des regards... Un claim qui interpelle, fait réfléchir. Le dialogue des cultures est un thème récurrent en politique mais jusqu'ici aucune institution ne l'avait utilisé en communication. A fortiori dans le domaine de l'art : par rapport à un message initial fort, la publicité surenchérit, en rajoute. Trop ou pas assez. Le ton juste en publicité culturelle est un art délicat.
Qui pouvait légitimement inviter au dialogue des cultures ?
Un musée d'art contemporain ou un lieu incarnant la diversité culturelle et le dialogue passé/présent comme le Musée du Quai Branly.
Confrontés eux aussi à une logique économique, les Musées doivent se différencier. En général, ils centrent leur communication sur leur catalogue d'expositions. Mais là, il fallait inscrire un positionnement fort, surtout pour ce projet grandiose mais un peu vague dans l'esprit du public, en raison notamment de son nom qui ne reflète pas son contenu réel.
D'où le choix d'un vrai claim, « humaniste » de surcroît, pour reprendre le terme du directeur de création³ , rare pour une institution culturelle du moins en France, qui rappelle lluminating world cultures du British museum (2003).
Le claim devrait évoluer et devenir : Là où les cultures dialoguent. Une signature focalisant, sur le lieu lui-même, ce Musée pas comme les autres, de façon à insister sur son positionnement. Après l'effet d'annonce, la réalité : Ce n'est pas un rêve : il ouvre bien cet espace extraordinaire, vivant, qui va enfin permettre de vrais échanges culturels.
Soit. On regrettera l'expression actuelle, plus forte car exprimant un vrai credo qui donnait statut et personnalité au Musée et aurait pu, en l'état, accompagner des années sa communication.
Claim actuel ou nouvelle signature, aucun n'a droit de cité sur le site Internet du Musée. La publicité reste du domaine de la publicité. Dommage.
- Le 21 juin 2016, dix ans après son inauguration, le musée prendra le nom de Jacques Chirac.
- M&C Saatchi GAD
- Daniel Fohr
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