Télérama - Nous sommes durs. Vous êtes pires Télérama - Nous sommes durs. Vous êtes pires
Publié le 26 avril 2006 par Romain Wiplier
Lecture 2 min.

Télérama - Nous sommes durs. Vous êtes pires

Télérama

Voici l'un des plus amusants témoignages de franchise qu’une marque peut exprimer à ses clients.

Les marques nous ont longtemps promis l’impossible.

Elles nous ont caressé dans le sens du poil pendant des années avec les notions de plaisir et de bonheur.

Elles nous ont incité à éviter le pire pour offrir le meilleur aux consommateurs-roi que nous sommes.

Aujourd’hui à contre-courant du lèche-consommateur, certaines marques changent leur fusil d’épaule, et se mettent à nous attaquer (faussement bien sûr, marketing oblige) comme le fait Télérama en nous traitant de pires.

C’est en 1997 que Cachou Lajaunie nous offre un OVNI pour l’époque avec son C’est pas fort, c’est pire.

Une première ! Le pire, réservé jusque là aux luttes quotidiennes des marques pour nous préserver du terrible monde qui est le nôtre, débarque pour vanter les mérites... de la confiserie.

Ce terme jusqu’alors négatif devient, en un instant, positif et mélioratif. Il faudra attendre l’an dernier pour retrouver une telle utilisation du mot pire, lorsque Kookaï proclame à travers ses égéries : Je ne suis pas belle, je suis pire.

Depuis 1997, beaucoup de choses ont chahuté notre société individualiste. Dans ce contexte du chacun pour soi et de la compétition, « le pire » est devenu un must, car être « pire », c’est avant tout être « encore plus que les autres », ou « autrement mieux ». Cet insatiable besoin de consommer nourrit l’envie de nouveauté, de différence, et le besoin de faire, voir, boire et manger ce qu’il y a de mieux.

Du coup, tout le monde donne son avis sur tout, juge tel spectacle ou tel film qui vient de sortir. Notre planète vit à l’heure de la blogoshère. Les rubriques « critique » des magazines et des journaux prennent dès lors de l'importance et s’érigent en tant que caution du « seulement ce qu’il a de mieux ».

Dans cette agitation, Télérama tient son rang grâce à sa critique acerbe et légendaire, segmentant les « pour » et les « contre ». Son monde est celui de lecteurs passionnés, qui entretiennent une véritable relation avec le magazine.

Bruno Patino, le président de Télérama, parle même d’une relation de propriété, comparable à celle d’un actionnaire. Le problème est que le titre est resté trop longtemps lui-même ; et les aficionados se sont agacés, se sentant comme trahis. Pour ses fans, Télérama est devenu convenu. Pour les autres, l’image d’un magazine pour bobos parisiens, bien pensants et sûr d’eux, persiste.

Voilà donc Télérama qui se positionne comme le premier news culturel européen et prend la parole pour endiguer ce décalage entre sa marque et son image; avec une campagne signée Nous sommes durs, vous êtes pires.

La campagne comprend TV, radio, affichage, et cinéma. Les visuels presse et affichage s'appuient sur les verbatims critiques provenant du courrier des lecteurs.

Exemple : « Dimanche 15 Janvier, Vivement Dimanche. Nicolas Sarkozy devrait faire attention. C’est déjà la 3ème fois qu’il invite Michel Drucker dans son émission ».

Nous sommes durs, vous êtes pires est la somme de deux constats : depuis 50 ans, le titre est synonyme de « critique » et il bénéficie d’une formidable relation de proximité et de connivence avec ses lecteurs. Avec de telles cartes en main, plutôt que de séduire toujours plus de lecteurs au point d’oublier les siens, Télérama et son agence¹ ont décidé de prendre comme fer de lance ce qui était le plus critiqué, à la fois point le plus fort et le plus faible du titre : la fonction critique ; et rendre férocement hommage à ses lecteurs.

Télérama joue cartes sur table dans celle relation de franchise avec ses lecteurs. La signature sonne comme un « nous sommes critiques, et alors ! Regardez vous un peu ! ». Or c'est bel et bien une critique que fait Télérama à ses propres clients. Non sans rappeler, dans l’esprit, la récente signature de Médiamétrie² à l’intention de ses clients-détracteurs.

En prenant le risque d'être dur avec ses lecteurs, Télérama vient de prendre un sacré coup de jeune.

  • La Chose
  • Médiamétrie - Il n'y a que la vérité qui blesse (de la même agence)

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