Costa Croisières - Le paradis sur mer
Publié le 15 janvier 2012 par Jean-Luc Gronner
Lecture 2 min.

Costa Croisières - Le paradis sur mer

Naufrage costa concordia

Le télescopage entre événement tragique et récit de marque est ce que redoutent le plus les marques. La signature de la marque est souvent la première sacrifiée dans ce qui devient une communication de crise. Récit d'un paradis sur mer devenu crise sur terre.

Samedi soir. 14 janvier 2012. Une grande salle de cinéma des Champs-Elysées pleine à craquer.

Juste avant le film, les pages de pub. Après un joli film où l'on voit dans une ambiance onirique des gens marcher sur l'eau, apparition de la marque : Costa Croisières. Et la signature : Le Paradis sur Mer. Avec un P majuscule¹ !

Aussitôt, applaudissements dans la salle. Je trouve le film bien fait. De là à applaudir, il y a une marge.

Repassage du film quelques minutes plus tard, en plus court. Nouveaux applaudissements auxquels s'ajoutent des ricanements.

Je me dis qu'il a du se passer quelque chose. La réponse arrive le soir de retour chez moi.

L'un des fleurons de la marque, le Costa Concordia a rencontré sur sa route, au large de la Toscane, non pas un iceberg mais un rocher. Ce n'est pas le Titanic mais on déplore tout de même plusieurs dizaines de disparus.

Une fois de plus, une marque se trouve confrontée à une crise qui vient se télescoper avec son récit.

Après Perrier, Total, Danone, Arthur Andersen, EDF, Buffalo Grill, Quick et des dizaines d'autres, Costa croisières va devoir faire des choix.

Certains à effectuer très vite : comme le gel de sa communication publicitaire.

Car critiques, rejets et détournements vont se multiplier. Dans les médias, sur les blogs, sur Youtube (c'est déjà le cas), mais surtout dans toutes les têtes. Car Il n'y a pas que les blagueurs ou les anti-pub qui vont s'en donner à coeur joie sans parler de ceux que le tourisme de masse révulse.

Beaucoup vont lire "paradis" au sens littéral du terme : lieu où les défunts sont heureux. Quant au slogan dans son intégralité, il est pris en flagrant défit de mensonge alors qu'en temps normal il est accepté comme une simple métonymie, figure de style commune dans le discours publicitaire.

L'investissement dans la publicité dont l'objectif est de retenir l'attention, de susciter l'intérêt, de faire naître le désir et de générer l'acte d'achat² risque d'être dilapidé en quelques jours. 

La marque devra répondre ensuite à des questions du genre : faut-il se lancer dans une publicité de crise en plus de l'artillerie habituelle d'une communication de crise ?

Si oui, elle devra trouver le ton qui convient en fonction des responsabilités réelles qui seront les siennes dans l'accident.

L'histoire des marques en crise³ montre que reprendre la parole publicitaire après les quelques jours ou semaines de silence radio, peut, au nom de l'entreprise citoyenne et non plus de la marque commerciale, s'avérer payant.

Dans cette hypothèse, sincérité, transparence, humilité et engagement forment un cocktail souvent gagnant.

A condition qu'il se fonde sur des actes. La publicité corporate qui n'oublie aucune des parties prenantes de l'entreprise prendra, un peu tard, le relais de la publicité commerciale qui, elle, se contente de ne parler qu'aux clients. (Mc Donald's est une des rares marques qui mène de front depuis des années une communication publicitaire sur ces deux registres). 

Des exemples existent de publicité de crise qui ont reconstruit leur marque confrontée à une crise.

EDF après la tempête de 1999 est devenue la marque préférée des français.

Votre banque vous doit des comptes a recréé une connivence avec les clients du Crédit Lyonnais qui a pourtant des années plus tard choisi le scénario ultime : le changement de nom.

Buffalo Grill avec son slogan L'épreuve rend plus fort a mis un terme à des jours d'errements dans la gestion de la crise.

C'est tout le mal qu'on souhaite à cette marque et à ceux qui vont désormais gérer sa communication dans la tempête.

On remarquera enfin qu'une signature peut être aussi performante quand elle est de nature corporate, qu'elle sous-tend par exemple un engagement de toute une entreprise, que lorsqu'elle se contente de proclamer un bénéfice, de s'autoproclamer désirable.

On préférera Faire du ciel le plus bel endroit de la terre, signature de mission d'Air France qui a survécu à deux crises : les attentats du 11 septembre et le drame du vol 447, avec des périodes de gel publicitaire, que Le Paradis sur Mer qui nous semble avoir définitivement fait naufrage ce 13 janvier.

  • Agence Leo Burnett
  • selon la formule AIDA inventée par Bernard Cathelat
  • Lire le remarquable mémoire de maîtrise de Sophie Giret.
  • Crédit photo : Stringer/AFP

https://youtu.be/AMW4WKmTG-I?si=6kLHgqqigGqG8aN6

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