Eric Bompard - Un cachemire Bompard est une chèvre qui a réussi
Heureusement que Carole Bouquet a de l’humour. Car se faire voler la vedette par une chèvre, même si celle-ci a réussi, il y a de quoi agacer. C’est pourtant ce qui est arrivé à la star en 2001.
Elle régnait alors, sublime, dans un chandail rouge sur une affiche qui fit le tour de Paris. Las ! Eric Bompard décida de confier à une agence de publicité¹ le soin d’asseoir la marque dans l’imaginaire des acheteurs et acheteuses de cachemire.
Un concours de circonstances est à l’origine de l’aventure d’Eric Bompard.
Au cours d’un voyage en Extrême-Orient, celui-ci découvre que 70% du cachemire mondial provient des terres arides de Mongolie et non pas d’Europe comme les Ecossais ont réussi à nous le faire croire. Ce sont des petites chèvres dodues qui fournissent deux fois par an 300 grammes de cette matière au toucher et à la douceur incomparable.
Aux dires du directeur de création de l’agence retenue² - devenu expert en caprins - les biquettes sont en fait sous-alimentées ce qui serait à l’origine de la qualité rare de leur duvet. Si on les transplante ailleurs que sur ces contrées ingrates, le cachemire ne prend pas ! L’inverse des oies gavées du Périgord en quelque sorte. Donc, Bompard décide de rendre accessible le cachemire au peuple de France et pour cela crée réseau de distribution inédit, catalogue de VPC, boutiques en propre. Et de passer à la vraie pub.
L’agence élue résiste au souhait de l’annonceur de mettre en avant la supériorité du produit, en tout cas de manière rationnelle.
On travaillera donc sur la marque et sur elle seule. Exit la Bouquet, évincée par une autre égérie croquée par un illustrateur.
Surtout, la belle est accompagnée de chèvres représentant l’origine et la matière même du produit. L’illustration qui construit un univers sophistiqué s’accompagne d’une phrase totalement inédite et sans doute l'une des plus dingues de la publicité française : un cachemire Bompard est une chèvre qui a réussi.
La rédactrice à l’origine de cet ovni note d’ailleurs modestement que le mot réussite était pratiquement dans le cahier des charges tellement celle de Bompard était déjà flagrante.
Toute la gamberge consista finalement à dire que son cachemire était le meilleur en créant un destin à la bestiole qui le produit. En quelques mots, l’avenir des chèvres de Mongolie s’éclaira.
Finir en chandail sur les épaules d’une Parisienne de la rive gauche devint le but ultime d’une vie austère.
Par effet miroir, les Parisiennes découvrant la signature sur les panneaux d’affichage qui virent le jour à partir de 2001, eurent envie d’afficher leur réussite en choisissant un Bompard. Certaines ayant l’impression d’adopter en même temps une chèvre du tiers-monde.
Au début il y eut bien quelques couacs : certaines vieilles acheteuses du 16ème demandèrent si on ne les prenait pas pour des chèvres.
Puis peu à peu, aux bourgeoises chic qui s’offraient un cachemire à Noël, s’ajoutèrent les bobos qui s’offraient un petit Bompard comme accessoire glamour à marier avec leur jean abîmé. Le chiffre d’affaires monta jusqu’à atteindre aujourd’hui 40 millions d’euros.
Enfin, consécration suprême, Monsieur Bompard qui, comme tout entrepreneur audacieux s’étonne de son audace, se rassura définitivement.
Lorsqu’il se présenta aux derniers jeux olympiques de Turin, aucun officiel en effet ne le reconnut. Jusqu’au moment où dans l’assistance quelqu’un s’exclama : mais c’est la chèvre qui a réussi !
L’humour et un certain sens de l’autodérision résumés dans une signature remarquable empêcheront pour longtemps cette marque de vieillir.
D’autant qu’elle s’amuse même aux dernières nouvelles à faire bouger la signature elle-même en disant... Un cachemire Bompard est une chèvre qui a réussi (sur concours) qui vient appuyer l'idée que la sélection du cachemire Bompard est gage de qualité irréprochable.
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