France 5 - Faisons connaissances
Publié le 17 septembre 2007 par Jean-Luc Gronner
Lecture 3 min.

France 5 - Faisons connaissances

ganesh

Détournez, comme souvent, une locution usuelle. Ajoutez-y une faute d'orthographe. Restez dans l'invitation par la première personne du pluriel. Et vous obtenez une signature qui mérite qu'on s'y arrête.

De quelle signature de chaîne de télévision vous souvenez-vous ?

Connaissant votre mémoire sélective, on peut se hasarder à quelques-unes de vos probables réponses.

Assurément pour les plus âgés d’entre vous La petite chaîne qui monte, qui monte, qui monte (M6 1989) archétype de la signature de challenger et qui a porté pendant des années l’ascension d’une chaîne que beaucoup condamnaient à sa naissance.

Probablement tout de suite après, le fameux Pendant qu’on regarde Canal + au moins on n’est pas devant de la télé (Canal + 1995-1997), chef d’œuvre d’impertinence et pied de nez au passage à ceux qui crachent sur les signatures longues.

Vous citeriez également avec raison On a tous une série culte (Canal Jimmy 2003), affirmation à la fois irréfutable et empathique. Enfin, vous vous rappellerez peut-être On en apprend tous les jours, détournement d’une expression usuelle à fin de positionnement (La cinquième 1995).

À part ça, pas grand-chose parmi les centaines de signatures ou claims pondus dans le PAF depuis 20 ans.

4 signatures en 20 ans. C’est peu. Invitation à la modestie et raison de plus pour ne pas faire la fine bouche quand arrive quelque chose d’intéressant.

Faisons connaissances, commis en cette rentrée par France 5 (ex La Cinquième) mérite analyse.

Premier constat cette signature est polysémique. Une signature qui arrive à délivrer plusieurs sens en quelques mots est presque toujours digne d’intérêt.

Faisons connaissances. Je suis d’abord invité à faire connaissance avec une chaîne que je connais peu. Cela tombe bien, l’objectif de la campagne et de la signature étant de prendre des parts de marché. Une « signature de conquête » affirment fièrement l’annonceur et son agence.¹

Puis, je suis interpellé par ce pluriel qui fait l’aspérité de cette signature et par la faute de français. Faute évidemment assumée, voulue même puisqu’on nous affirme avoir délibérément souhaité imposer cette faute au service public pour « dédramatiser » le savoir, la culture, l’apprentissage.

Dans une signature une faute d’orthographe volontaire peut tomber à plat. Voire plomber carrément la marque. Elle peut au contraire être un clin d’œil habile comme le célèbre Espress Yourself de Lavazza qui réussit depuis 2003 à encapsuler, c’est le cas de le dire, narcissisme et café.

On accusera longtemps encore la publicité de malmener notre langue. On ne voit pas assez qu’elle l’enrichit, la renouvelle. Et puis cet « accident » ne traduit finalement rien d’autre que la permanente obligation qu’ont les créatifs de faire s’arrêter le lecteur, le téléspectateur, l’internaute confrontés chaque jour à la foultitude de signes que nous adressent les marques.

Faisons connaissances:. Au-delà de l’invitation, me voici donc renseigné sur le positionnement de la chaîne. Nous ne sommes ni dans la culture avec un grand C (privilège laissé à Arte), ni même dans le savoir avec un grand S mais dans les connaissances, pluriel plus rassurant que le singulier.

La campagne, très éloignée des codes habituels des chaînes de télévision et en particulier de France Télévisions, achève (parfois de façon un peu trop prise de tête) de nous donner les clés de la signature.

Et de nous faire comprendre le credo de la chaîne : Sur France 5 on ne nous bassinera pas avec des émissions pontifiantes, on ne nous prendra pas de haut, on « en apprendra tous les jours » mais par le partage des connaissances. Par le pouvoir de la rencontre, de la confrontation des points de vue ou simplement du plaisir de la découvertes des autres.

Reconnaissons que beaucoup d’émissions à l’image de C dans l’air tout comme les escapades de Petitrenaud collent assez avec cet état d’esprit. Il y a assurément un savoir-faire France 5 assez rafraîchissant qui nous éloigne de l’intellectualisme et de la suffisance culturelle.

On objectera que cette signature est proche, très proche, dans sa construction et son intention de celle de la rivale Arte :Vivons curieux, signature d’invitation au savoir et à la culture, elle aussi à la première personne du pluriel.

On constatera que de nombreuses réactions (notamment celles des lecteurs du Monde) sont assez remontées contre cette signature ;  soit parce que ceux-ci ne digèrent pas la suppression d’ « Arrêt sur images » et le remerciement de son animateur ² , soit parce qu’ils y lisent le basculement vers trop d’interactivité, d’hyper participation des téléspectateurs, et qu’ils redoutent la RMCisation de la station de radio (qui elle ne semble pas s’en plaindre).

Nous pensons cependant que préempter une expression usuelle, la détourner par une faute d’orthographe qui fait sens et révèle la façon de faire son métier sont des ingrédients d’une signature efficace.

A la chaîne, son style et ses programmes, de nous démontrer que cette signature pourra aussi être durable.

  • TBWA/Antislash Alban Penicaut CR, Stéphane Lecoq AD. Illustrations : jeanclode.
  • Daniel Schneidermann, le présentateur de cette émission a été licencié de la chaîne après avoir copieusement craché sur ses dirigeants.

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